DRM : des moyens de haute technologie pour le recueil de renseignements

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La Direction du renseignement militaire (DRM) assure un appui aux opérations extérieures et une veille stratégique en coordination avec les autres services de renseignement, en vue de mieux anticiper les crises. Elle entretient aussi des coopérations bilatérales et multilatérales avec ses homologues de l’Union européenne et de l’OTAN.

Fondée après la guerre du Golfe pour la libération du Koweït (1991) afin de donner une autonomie d’appréciation stratégique aux autorités politiques, la DRM a fêté ses 25 ans d’existence le 23 mars 2017 lors du lancement de « l’Intelligence Campus » à la base aérienne de Creil (Nord de Paris).

Un scénario opérationnel. Jean-Yves Le Drian, à l’époque ministre de la Défense, le général Pierre de Villiers, chef d’Etat-major des armées, et le général Christophe Gomart, chef de la DRM, ont assisté à la présentation d’un scénario opérationnel. Celui-ci met en scène la chaîne de renseignement et d’action, déclenchée à la suite d’un attentat avec un engin explosif improvisé dans la zone de responsabilité de l’opération « Barkhane » (bande sahélo-saharienne). A Paris, le bureau J2 (renseignement) du Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) de l’Etat-major des armées procède à une analyse initiale de la zone et oriente des capteurs, en liaison avec le centre opération de la sous-direction recherche de la DRM. Le Centre interarmées de recherche et de recueil du renseignement humain (CI3RH) envoie une équipe « armement-technologie » pour recueillir des échantillons de l’explosif utilisé, afin d’en identifier les composants. Par ailleurs, il est informé, par une « source », du départ imminent d’une cargaison suspecte. Le Centre de recherche et d’analyse du cyberespace analyse un téléphone portable récupéré sur le lieu de l’attentat et identifie les dernières zones d’évolution des djihadistes avant l’attentat. Le Centre de formation et d’emploi relatif aux émissions électromagnétiques localise, puis suit le navire transportant la cargaison suspecte et confirme, par des interceptions, l’imminence d’un nouvel attentat. Le Centre de formation et d’interprétation interarmées de l’imagerie établit un dossier « image » sur le site de l’explosion et des dossiers sur les zones d’habitation possibles des djihadistes. Un bâtiment de la Marine nationale effectue une visite à bord du navire suspect et précise le renseignement. Des drones Reaper de l’armée de l’Air patrouillent au-dessus des sites possibles de présence des djihadistes, pour les localiser avec exactitude. Le Commandement des opérations spéciales envoie une équipe du 13ème Régiment de dragons parachutistes (RDP) surveiller les déplacements des djihadistes. Le Centre de renseignement géospatial interarmées localise les zones probables de déchargement de la cargaison suspecte et modélisée en 3 dimensions le lieu d’habitation des djihadistes. Le bureau J2 du CPCO rédige une note de synthèse. Il s’ensuit une présentation en conseil de défense, une décision politique et une action militaire.

Le bureau J2. La DRM s’articule en trois sous-directions (recherche, exploitation et appui) et le bureau J2. Tous suivent, de façon transversale par des pôles « analyse » et « opérations », la situation des « points chauds » en cours en 2017 : Levant, avec l’opération « Chammal » (appui aux forces irakiennes) contre l’Etat islamique (Daech) ; bande sahélo-saharienne, avec l’opération « Barkhane » (appui aux armées locales) ; Libye. Le J2 planifie les engagements des armées, élabore des chaînes de renseignement et prépare les personnels spécialisés des unités. Il procède à l’exploitation des renseignements provenant des théâtres et des capteurs. Lors de la conduite d’une opération, il adapte les dispositifs de renseignement, oriente les missions des capteurs, assure la relève du personnel dédié et anime les comités de renseignement. Enfin, le J2 diffuse des notes quotidiennes et des cartes de situation ainsi que des fiches « flash ».

Les capteurs. La sous-direction recherche de la DRM utilise les divers moyens complémentaires des armées pour recueillir des renseignements de diverses origines : électromagnétique (ROEM), image (ROIM), humaine (ROHUM) et chimique (ROC). Le ROC reste de son ressort mais, pour le ROHUM, elle fait appel au 13ème RDP, au CI3RH, au 2ème Régiment de hussards, à la Force maritime des fusiliers marins et commandos, au Commando parachutiste de l’air N°10 et aux attachés de défense français à l’étranger. Pour le ROIM, elle recourt aux drones, Rafale de reconnaissance et avions de patrouille maritime ATL2. Elle reçoit aussi les images des systèmes satellitaires : européen Hélios II (optique) ; français Pléiades (optique) ; allemand Sar Lupe (radar) ; italien COSMO-SkyMed (radar). Le ROEM provient d’abord des moyens interarmées : avions d’alerte avancée E3F AWACS ; C160 Gabriel (Groupement aérien de brouillage, recherche et identification électronique) ; sous-marins nucléaires d’attaque ; frégates ; 44ème Régiment de transmissions, pour la guerre électronique dans la profondeur ; 54ème Régiment de transmissions, pour la guerre électronique de théâtre. Elle dispose aussi de moyens dédiés : bâtiment de recherches électromagnétiques Dupuy-de-Lôme ; radars de la défense aérienne du territoire ; systèmes satellitaires Elisa depuis 2014 puis Ceres à partir de 2019. Tous les satellites sont lancés à partir du Centre spatial guyanais.

Le rôle de la DGA. Interface entre les industriels et la DRM, la Direction générale de l’armement (DGA) garantit la cohérence des programmes et prépare l’avenir. Selon l’ingénieure générale Caroline Laurent, directrice de la stratégie de la DGA, Pléiades envoie 10 fois plus d’images qu’Hélios II dès le lendemain des prises de vues. Le programme européen MUSIS (optique) remplacera les systèmes existants et comptera 3 satellites à lancer en 2018, 2020 et 2021. L’avenir repose sur les multi-capteurs raccourcissant le cycle du renseignement, avec traitement des données au plus près des capteurs par l’intelligence artificielle. Il faudra résoudre les problèmes concernant la sécurité, la mobilité, le déploiement sur le théâtre d’opération et les réseaux. D’autres sources de renseignements apparaissent : systèmes d’autoprotection des avions, guerre électronique, ondes radio et radar, domaines acoustique et chimique. Ballons gyroscopiques et drones terrestres et sous-marins constituent de nouveaux porteurs de capteurs divers.

Loïc Salmon

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La Direction du renseignement militaire emploie 1.800 personnes en 2017, dont 26 % de civils, 74 % de militaires et 200 réservistes. Dans l’ensemble, en 2017, le renseignement militaire français dispose d’un effectif de 7.300 personnels qui devrait atteindre 7.600 en 2021. Le Centre de formation interarmées au renseignement accueille 2.000 stagiaires chaque année. Parmi les métiers possibles figurent : analyste en géostratégie ; linguiste d’écoute ; expert en recherche humaine ; interprète image ; analyste du renseignement électromagnétique ; spécialiste du cyberespace ; topographe/géographe ; « data scientist » (analyste de données).

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