Femmes dans les armées : discrétion, mais besoin d’équité

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Les jeunes femmes qui s’engagent dans les armées y recherchent des valeurs. Les contraintes du métier militaire, quoique plus lourdes pour elles, ne les empêchent guère d’y faire leurs preuves comme leurs collègues masculins.

Ce thème a fait l’objet d’un colloque organisé, le 8 mars 2017 à Paris, par l’Institut de recherche stratégique de l’Ecole militaire (IRSEM). Y sont notamment intervenus : le général de brigade Christophe Abad, Direction des ressources humaines de l’armée de terre ; le médecin-chef Nathalie Koulmann, chef du département environnements opérationnels de l’Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA) ; le médecin-chef Marion Trousselard, chef de l’unité de neurophysiologie du stress (IRBA).

Vivier indispensable. La féminisation ne fait plus partie des priorités du haut commandement. En 15 ans, les femmes ont accédé à tous les domaines des armées de Terre occidentales, selon leurs envies, talents et potentiel, rappelle le général Abad. Sans elles, les forces terrestres françaises n’auraient pu réaliser leur montée en puissance depuis 2015. Elles recrutent 15.000 personnels en moyenne par an parmi un vivier d’un million de Français intéressés, âgés de 17,5 à 30 ans avec les niveaux physique et de formation suffisants pour passer les tests d’aptitude. Pour les jeunes en manque de repères, l’armée de Terre présente une valeur refuge avec la possibilité d’y progresser selon leurs qualités propres. L’égalité de traitement reste fondamentale parmi les officiers, sous-officiers et militaires du rang. Toutefois, souligne le général, la discrimination positive n’existe pas : le parcours professionnel se construit par les examens, concours et formations. Etre militaire implique les mêmes compensations et sujétions pour les hommes et les femmes. Référencée dans chaque unité, la mixité fait l’objet d’une sensibilisation, dès la formation initiale des officiers à Saint-Cyr, et d’une définition précisée dans la doctrine du commandement dans l’armée de Terre. Il s’agit ensuite de « fidéliser » les femmes, afin de conserver le maximum de compétences acquises au cours de leurs années de service. Ainsi, une élève de la première génération mixte de saint-cyriens sera prochainement promue colonelle. L’efficacité opérationnelle va de pair avec un projet d’épanouissement individuel. Or, peu de femmes se sentent attirées par les systèmes de combat de l’armée de Terre, où l’exigence physique, la rusticité et la grande promiscuité de la vie en opérations sont plus fortes que dans les autres spécialités (encadré). Par ailleurs, la disponibilité permanente demeure difficilement compatible avec la vie de famille. Chaque promotion de Saint-Cyr voit ses effectifs diminuer après 15 ans de service : 30 % chez les hommes et … 66 % parmi les femmes !

Aptitude au combat. La compétence à exercer le métier, pour lequel un(e) candidat(e) a été recruté(e) s’appuie sur des données objectives liées au sexe, souligne le médecin-chef Nathalie Koulmann. Plus petite de 8 % en moyenne que l’homme, la femme présente une composition corporelle, une longueur relative des membres et un développement de la cage thoracique différents, qui ont des impacts sur les tâches à accomplir. Ainsi, par rapport à un homme de référence de 1,74 m et de 73 kg, une femme de référence de 1,64 m et de 57 kg présente une masse du cœur de 256 g contre 349 g et un volume des poumons de 4,25 l contre 5,70 l. Cette moindre capacité de transport d’oxygène s’accompagne d’un taux d’hémoglobine moyen inférieur de 10 % et de réserves en fer souvent limitées. Mais sa capacité à brûler plus de graisse, supérieure de 10 %, lui donne un avantage pour les exercices de très longue durée. Les tâches militaires, complexes, intègrent plus ou moins des aptitudes physiques  élémentaires : force musculaire et agilité, endurance musculaire et équilibre dynamique, aptitude aérobie avec coordination et puissance, flexibilité avec temps de réaction et vitesse. Quoique la force soit déterminante dans certaines activités, la femme la plus forte l’emportera toujours sur l’homme le plus faible. Mais désavantagées pour le port de charges lourdes, les femmes réussissent très rarement la totalité des tests physiques. Malgré une masse grasse plus élevée et un débit sudoral plus faible, elles présentent une tolérance à la chaleur presque similaire. Elles résistent aussi bien aux contraintes aéronautiques avec un « pantalon anti-G » adapté à leur morphologie. Pour les exercices de faible intensité, elles se fatiguent moins vite et récupèrent plus vite. En plongée, leur autonomie est supérieure, car elles consomment moins d’air, comme en témoignent deux femmes plongeurs-démineurs et une nageuse de combat ! Le risque de fracture de fatigue (sur-utilisation des os) lors des marches avec une charge lourde, quoique 2 à 6 fois plus élevé chez la femme, se réduit de 95 % en modifiant la fréquence des pas. Une doctrine d’aptitude physique minimale à certains postes, sans barème différentiel par sexe, reste à définir.

Environnement opérationnel. Les neurosciences permettent de comprendre les processus mentaux de perception, d’action, d’apprentissage et de mémorisation, explique le médecin-chef Marion Trousselard. Elles trouvent des applications militaires : prise en charge des blessés et des soins de l’avant ; amélioration de la sélection, de la formation et de l’entraînement ; organisation optimale de la préparation des opérations et de leur gestion. Tous les militaires connaissent le stress, réponse comportementale, émotionnelle, cognitive et physiologique face à un événement grave. Des études (2007) démontrent : la supériorité des hommes en capacité et vitesse de traitement de l’information ; la supériorité des femmes pour la capacité d’attention, la mémoire des mots et des visages ainsi qu’aux tests d’intelligence sociale. Le risque de dépression s’accroît lors des missions orbitales, des patrouilles sous-marines et de l’hivernage polaire, auxquels des femmes ont participé. Celles-ci embarquent déjà sur les sous-marins, notamment en Suède depuis 1989, en Australie (1998), au Canada (2001) et aux Etats-Unis (2010). En France, la féminisation a été décidée en 2006 sur les futurs sous-marins nucléaires d’attaque Barracuda dont le 1er entrera en service fin 2018. La formation de 3 femmes officiers, dont 1 médecin, a commencé en 2015, en vue d’un embarquement sur un sous-marin nucléaire lanceur d’engins en 2017.

Loïc Salmon

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Selon le ministère de la Défense, l’encadrement dans l’armée de Terre se répartissait ainsi en 2015 : officiers de carrière (Saint-Cyr), 49,9 % de femmes pour 80,1 % d’hommes ; officiers sous contrat, 51,1 % de femmes pour 19,9 % d’hommes ; sous-officiers de carrière (Ecole de Saint-Maixent), 54,7 % de femmes pour 52,1 % d’hommes ; sous-officiers sous contrat, 45,3 % de femmes pour 47,9 % d’hommes. La part des femmes par spécialité se montait à : 0,5 % dans l’arme blindée ; 0,5 % dans l’infanterie ; 2,3 % dans le génie ; 3,8 % dans l’artillerie ; 5,1 % dans la maintenance ; 26,7 % dans les budget, finances et comptabilité ; 29,7 % dans la santé ; 30,6 % dans la communication ; 42,4 % dans l’administration ; 43,5 % dans la gestion des ressources humaines.

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