Guerres secrètes

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Renseignement et actions secrètes nécessitent anticipation, investissement humain et pluridisciplinarité pour mieux comprendre un monde, imprévisible et en évolution permanente, et tenter d’y exercer une influence.

La distinction entre paix et guerre s’efface par le biais du renseignement, aspect le plus politique de la stratégie. En outre, la guerre secrète rend poreuses les frontières entre les forces armées et le monde civil. L’efficacité des agents secrets repose surtout sur leur absence de charisme et leur physique ordinaire. Leur plus grande frustration se manifeste par l’absence d’écho de l’usage et de l’utilité de leur travail, alors qu’il présente parfois des aspects violents et dangereux. L’ouvrage « Guerres secrètes » présente quelques portraits d’hommes et femmes, célèbres, de l’ombre :  Lavrenti Beria, directeur du NKVD ; Allen Dulles, directeur de la CIA ; Stewart Menzies, directeur du MI6, André Dewavrin, dit Passy, directeur du BCRA ; Alexandre de Marenches, directeur du SDECE ; le colonel Thomas Lawrence « d’Arabie » ; Georges-Jean Painvin, décrypteur des codes allemands de la première guerre mondiale ; Richard Sorge, agent soviétique au Japon qui annonce l’imminence de l’attaque allemande contre l’URSS, dont Staline ne tiendra pas compte ; Roger Marin, dit Wybot, directeur de la DST ; Marie-Madeleine Fourcade, MI6 puis animatrice d’un réseau de résistance en France ; Jeanne Bohec, BCRA puis parachutée en France ; Robert Maloubier, SOE puis créateur de l’école des nageurs de combat du SDECE ; Harold « Kim » Philby, le plus connu des « Cinq de Cambridge » au service de l’URSS ; Youri Andropov, directeur du KGB puis président de l’URSS. L’ouvrage énumère 37 « guerres secrètes » de 1874 à 1991 avec leurs caractéristiques : renseignement, opérations clandestines, désinformation, déstabilisation et contre-espionnage. Mata-Hari sera démasquée en 1917 par le décryptage d’un télégramme, intercepté par le poste militaire de la Tour Eiffel. Pendant la seconde guerre mondiale, les agents de l’OSS américain utilisent du matériel militaire et agissent le plus souvent en uniforme, pour être traités en prisonniers de guerre en cas de capture. En revanche, ceux du SOE britannique, qui interviennent en civil avec des équipements sans marque, risquent la torture et la mort. Le BCRA emploie de nombreuses femmes à Londres, mais en envoie peu en France. Par contre, le SOE en parachutera 50, dont 39 furent arrêtées et exécutées. L’univers des guerres secrètes exige duperie et intoxication, pour abuser l’adversaire, et un cloisonnement de sa propre organisation, afin que personne ne puisse la trahir en livrant les clefs d’un seul coup. Pendant la première guerre mondiale, l’opinion publique devient un enjeu majeur pour raffermir le moral de son camp et briser l’unité nationale de l’ennemi. Au début de la seconde, la Wehrmacht est pourvue d’unités de propagande chargées de semer la discorde parmi les Alliés, en faisant croire à l’existence d’une « 5ème colonne ». La Grande-Bretagne crée alors un service équivalent avec les émissions radio de la BBC dès 1941. Les avions américains larguent 3 milliards de tracts du 6 juin 1944 au 8 mai 1945. Pendant la guerre froide, la vague de pacifisme, lancée par l’URSS dans les années 1980, n’est pas parvenue à miner ni la solidarité atlantique ni la stratégie de dissuasion nucléaire, piliers de la sécurité des pays membres de l’OTAN.

Loïc Salmon

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« Guerres secrètes », ouvrage collectif. Éditions Musée de l’Armée et Somogy Éditions d’art, 368 pages, 450 illustrations, 32 €.

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