La guerre par ceux qui la font

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Trois généraux et treize colonels ou assimilés du Centre des hautes études militaires présentent leurs réflexions sur les enjeux de défense et de sécurité.

Depuis l’Antiquité, la guerre a toujours été motivée par la peur, l’honneur ou les valeurs, éventuellement religieuses, et l’intérêt. Dans les années 1990, la « révolution des affaires militaires », d’origine américaine, prône le recours à la guerre psychologique et à la maîtrise du champ de bataille par l’imagerie. La guerre se construit autour de la boucle « observation, orientation, décision et action ». Elle s’appuie surtout sur les innovations technologiques : vélocité des plates-formes, puissance unitaire et précision de l’armement, volume et vitesse des communications et supériorité absolue en matière de « C4ISR » (commandement, contrôle, communications, systèmes informatiques, renseignement, surveillance et reconnaissance). Or, les attentats terroristes du 11 septembre  2001 aux États-Unis, par leur soudaineté, l’ampleur des destructions et la désorganisation qui s’ensuit, atteignent un niveau de violence comparable à celui d’une opération de guerre. Ils annoncent les interactions entre sécurité nationale et sécurité globale et entre territoire national et théâtre extérieur. Leur impact, aussi dévastateur qu’une guerre, a nécessité un investissement limité : Al-Qaïda n’aurait dépensé que 500.000 $, alors que les guerres qui ont suivi (Irak et Afghanistan) auraient coûté 3 Mds$ entre 2001 et 2014. En outre, les armées régulières ont perdu le monopole de la guerre. Terrorisme, guérilla, cyber-guerre et sanctions économiques sont mis en œuvre séparément ou combinés au service d’une stratégie asymétrique, utilisée par les puissances dominantes : cyberattaques menées par les États-Unis,  la Chine ou la Russie ; annexion  de la Crimée par la Russie, sans intervention militaire violente ; stratégie chinoise d’extension de la zone économique exclusive en mer de Chine. Depuis 1945, la dissuasion nucléaire a démontré son efficacité à proscrire toute montée des tensions aux extrêmes ou prévenir tout conflit majeur. Certaines puissances régionales d’Asie et du Moyen-Orient veulent acquérir des capacités nucléaires crédibles et les grandes puissances rénovent les leurs. La France a adopté une dissuasion strictement défensive de frappe en second et uniquement nucléaire. En revanche, les États-Unis basent la leur sur la combinaison des capacités nucléaires et conventionnelles, à caractère offensif et défensif, dans une perspective de prévention d’une guerre majeure et de maîtrise de l’escalade lors de conflits périphériques. Ainsi, les missiles de croisière ou balistiques équipés de charges conventionnelles leur permettent, théoriquement, de neutraliser ou de menacer des cibles à haute valeur politique ou militaire, fugaces, protégées ou camouflées partout dans le monde, en quelques dizaines de minutes et avec une précision métrique. Toutefois, leur emploi reste hasardeux en temps de crise ou de guerre, en raison de leur localisation à proximité des vecteurs d’armes nucléaires. En effet, les moyens d’alerte de la Russie ou de la Chine pourraient l’interpréter comme une attaque nucléaire. Enfin, la « surprise stratégique » reste possible, à savoir la transgression des règles du jeu ou un événement peu ou mal anticipé et à très fort impact sur les fondements d’un État.

Loïc Salmon

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« La guerre par ceux qui la font », ouvrage collectif. Éditions du Rocher 366 pages, 22 €.

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