Les sœurs du Djihad

image_print

Les organisations djihadistes, surtout Daech (Etat islamique), parviennent à recruter des Européennes converties, destinées d’abord à procréer des combattants de l’islam radical. Si elles en ont les qualifications, elles peuvent occuper des emplois dans la santé, l’enseignement, la communication, l’informatique et même la sécurité !

Selon diverses études et recueils de témoignages (vidéos, confessions sur internet et écrits), le nombre de conversions à l’islam en Europe augmente de 20 % par an depuis 2010 et les femmes représenteraient environ 60%-70% des convertis. Il en ressort que les conversions se répartissent principalement en quatre types : rencontre amoureuse aboutissant souvent à un mariage, pour la majorité des jeunes femmes ; environnement social musulman de proximité ; quête de spiritualité après une déception vis-à-vis de la religion d’origine ; motivations politiques ou radicales, plus rares chez les femmes. Contrairement au catholicisme et au judaïsme qui demandent une grande implication et plusieurs étapes, la conversion à l’islam peut se réduire, pour les recruteurs salafistes, à la récitation en arabe phonétique de la profession de foi devant deux témoins : « J’atteste qu’il n’y a de Dieu qu’Allah et que Muhammad est son messager ». Le nouveau musulman doit se conformer aux quatre piliers de l’islam : cinq prières quotidiennes n’importe où et en direction de la Mecque ; verser l’aumône aux plus pauvres selon ses moyens ; jeûner le mois du ramadan, de l’aube au coucher du soleil ; aller en pèlerinage à la Mecque une fois dans sa vie, si ses moyens physiques et financiers le lui permettent. Alors que l’islam modéré recommande une modification progressive du comportement vestimentaire et alimentaire, la mouvance rigoriste incite les nouveaux venus à se couper de leur environnement d’origine en deux ou trois mois. A la différence du chiisme iranien, l’imam sunnite, dépourvu de statut juridique ou légal, n’exerce pas de fonction « sacrée ». Il guide les croyants et les éclaire de ses connaissances du Coran et des « hadiths » (actes et paroles relatives à Mahomet et ses compagnons), acquises sans obligation d’une formation théologique sanctionnée par un diplôme officiel, décerné par une institution spirituelle islamique. De fait, beaucoup d’imams s’autoproclament tels ou sont même parfois téléguidés par l’Arabie Saoudite, le Qatar ou l’Algérie pour étendre leur influence. De son côté, Daech est parvenu à entraîner de nombreux départs de jeunes femmes européennes vers les zones de guerre en Syrie, Irak et Libye, entre sa proclamation du califat en 2014 et sa défaite militaire face à une coalition internationale et l’intervention russe en 2017. Il a présenté le djihad comme une cause humanitaire et offert une vision utopique de l’Etat islamique. Il a su tirer parti de l’addiction de jeunes filles, naïves ou psychologiquement fragiles, aux réseaux sociaux Facebook, Twitter, Instagram, WhatsApp, SkyBlog, Pinterest, Flicker, YouTube ou DailyMotion. Il leur a promis une vie romantique et démontré la cohésion sociale réalisée par la solidarité entre « sœurs », une fois intégrées à une communauté à l’écoute. Il leur a proposé une prise en charge intégrale par le groupe, sorte d’assistanat intégral et rassurant car évitant de prendre des responsabilités. Enfin, il leur a fait miroiter la possibilité de participer à un destin collectif exceptionnel, donnant ainsi un sens supérieur à leur vie.

Loïc Salmon

Terrorisme djihadiste : prédominance de la dimension psychoculturelle

Arabie Saoudite : retour du sacré dans les relations internationales

Qatar, vérités interdites

« Les sœurs du Djihad » par Jean-Christophe Damasin d’Arès. Editions JPO, 192 pages, 14,90 €.

image_print
Article précédentManche et mer du Nord : l’urgence et la gouvernance
Article suivantPatrouille de France, la tournée américaine de 2017