Migrations : mouvements naturels et problèmes sécuritaires

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Face à la crise que connaît l’Europe depuis 2015, l’immigration, quoique conçue comme une charge, pourrait constituer une chance pour les pays d’accueil. Les organisations internationales de l’ONU y travaillent.

Du 26 au 29 mars 2017, un groupe d’auditeurs de l’Association nationale des auditeurs de l’Institut des hautes études de défense nationale (AA-IHEDN) s’est rendu à Genève, siège notamment de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UN HCR), du Haut-commissariat aux droits de l’homme (HCDH) et du Comité international de la Croix Rouge (CICR).

La « Genève internationale ». Dans l’Histoire, la position de Genève en Suisse, pays neutre, a toujours favorisé les négociations et la recherche de solutions aux problèmes internationaux. En outre, Genève est intimement liée à la création du CICR après la bataille de Solférino en 1859 pour protéger les victimes des conflits armés et des situations de violence. Le CICR a ensuite développé le Droit international humanitaire et incité les gouvernements à le respecter, sans toutefois empiéter sur le Droit de la guerre. Avec les conventions de Genève (1949) et les protocoles additionnels (1977), le CICR s’est vu confier « une quasi mission de service public international » en matière de Droit de la guerre et de Droit international humanitaire. Diverses institutions de l’ONU se sont développées en parallèle à cette institution privée de droit suisse. En outre, il existe une différence entre migrants économiques et réfugiés demandeurs d’asile, qui implique des solutions différentes et adaptées.

Phénomène récurrent et mondial. Les migrations ne sont ni une nouveauté, ni une spécificité européenne. Le développement des moyens de communication leur donne aujourd’hui une résonance amplifiée et suscite la recherche de solutions à tous les niveaux, notamment dans le cadre d’organisations intergouvernementales régionales (OCDE et Union européenne). Les migrants et réfugiés sont au centre des préoccupations des gouvernements européens depuis quelques années, par suite des conflits au Moyen-Orient et du terrorisme en Europe. En parlant de « flots de réfugiés », les médias ont affolé les opinions publiques, entraînant peur et rejet, incompatibles avec une politique d’intégration réussie. Cette vision occulte une réalité plus globale dans le temps et dans l’espace. Les organisations internationales mentionnées ci-dessus multiplient leurs efforts dans le monde entier pour aider les populations concernées par des conflits intérieurs ou extérieurs. Il y aurait donc un espoir de régler un problème souvent présenté comme insoluble. Cependant, les menaces économiques, démographiques et climatiques futures nécessitent la prise en compte des migrations dans un cadre de politiques étatiques sur le long terme. Les organisations indiquées plus haut tentent de répondre à l’urgence : accueillir et protéger. Les deux étapes suivantes concernent le long terme : promouvoir et intégrer. Cela relève des gouvernements des pays d’accueil et de l’implication de leurs populations. Les migrations contrôlées et bien gérées dans les grandes nations d’immigration présentent un côté « enrichissant » dans tous les sens du terme, notamment au Canada, aux Etats-Unis, en Amérique latine et en Australie. Toutefois, certains pays mettent en place des politiques d’« immigration choisie », guère compatibles avec la « liberté de circulation » prônée notamment en Europe. Les organisations internationales se sont vu confier des missions par les Etats et agissent de concert avec des organisations non gouvernementales. Mais elles ne peuvent aller au-delà de leurs mandats et des moyens fournis par les Etats, les directives d’action et les financements devant aller de pair avec les missions.

Absence de solidarité internationale. Le réalisme conduit à regretter que les Etats n’assument pas leurs engagements et donc empêchent la promotion de solutions efficaces sur le long terme. La politique de l’Union européenne (UE) face aux réfugiés a manqué d’anticipation. Dès 2014, le HCR, l’a prévenue de l’arrivée prochaine de réfugiés syriens en provenance de pays de premier asile, saturés, à savoir le Liban, la Jordanie et la Turquie. Pourtant, elle n’a pris aucune mesure préparatoire. De plus, l’absence de solidarité entre Etats membres, voire la tendance à être le moins accueillant possible, a entraîné de graves conséquences : mauvais enregistrements des réfugiés et des demandeurs d’asile ; mauvaises prises en charge, notamment pour les mineurs non accompagnés ; décisions difficiles à faire appliquer comme les cas des personnes déboutées du droit d’asile. Les Etats membres de l’UE n’ont pris aucune position commune. En outre, une fracture Est-Ouest s’est manifestée, notamment entre les positions de la Hongrie et de la Pologne par rapport à celle de l’Allemagne. La crise des réfugiés n’est en fait qu’une facette de la crise des institutions européennes et de l’Espace Schengen. En 2016, sur 35,1 millions de personnes vivant dans l’UE, environ 7 % sont originaires de pays « tiers ». Le niveau de développement de l’UE est très supérieur à ceux du Liban, de la Turquie et de la Jordanie, qui accueillent depuis des années des camps de réfugiés « transitoires », devenus permanents et sans aucun avenir. Elle pourrait probablement accueillir et intégrer, plus et mieux, en mettant en place des mesures légales d’identification et de prévention, sans pour autant remédier à toute la misère du monde. Mais par manque de cohésion et donc de solidarité, elle n’a pas su mettre en œuvre une politique commune, estime le groupe d’auditeurs de l’AA-IHEDN. Au-delà de la crise européenne, ils rappellent que 90% des réfugiés restent dans les pays en développement. Gérer efficacement le problème dans le monde suppose aussi la mise en œuvre de politiques de développement, visant à la formation et à l’emploi dans des pays aux institutions stables et fiables, même si éducation et développement favorisent souvent les migrations, car les plus pauvres ne « bougent » pas. C’était le projet de « Pacte mondial des Nations unies pour des migrations sûres » lancé en 2000, d’où les Etats-Unis se sont retirés.

Elizabeth Crémieu et Hélène Mazeran

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Selon le département pour les affaires économiques et sociales du HCR, les personnes « en mobilité » dans le monde totalisent un milliard d’individus. Environ 25 % sont des migrants internationaux et 75 % des migrants sur leur territoire national. Parmi ces derniers, 40 millions sont des déplacés pour cause d’insécurité. Le nombre de réfugiés est passé de 15,9 millions en 2000 à 21,3 millions en 2015 et celui des migrants de 172,7 millions en 2000 à 243,7 millions en 2015. D’après l’Office fédéral des migrations et des réfugiés, l’Allemagne a accordé 137.136 demandes d’asile en 2015 et 256.136 en 2016. Selon l’Office de protection des réfugiés et apatrides, la France a accepté 19.506 demandes d’asile en 2015 et 26.351 en 2016. Les réponses aux demandes d’asile peuvent intervenir dans l’année qui suit le dépôt. Le délai moyen a été de 8,5 mois en France contre 5,5 mois en Allemagne.

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