Opex : la chaîne de santé, une course contre le temps

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Soigner les blessés au combat nécessite d’agir très en amont même sur des accrochages en petits effectifs. La chaîne de santé relie, de façon indissociable, formation du personnel, hôpitaux, soutien des forces, ravitaillement sanitaire et recherche.

L’action du Service de santé des armées (SSA) en opérations extérieures (Opex) a fait l’objet d’un séminaire organisé, le 26 juin 2013 à Paris, à l’Ecole du Val-de-Grâce.

Soutien sanitaire. En juin, les forces françaises disposent d’un soutien médical dans dix Opex : « Serval » au Mali ; « Licorne » en Côte d’Ivoire ; « Epervier » au Tchad ; « Boali » en Centrafrique ; « Atalante » en océan Indien dans le cadre de l’Union européenne ; « Pamir » en Afghanistan (OTAN) ; « Tamour » en Jordanie ; « Daman » au Liban (ONU) ; « Trident » au Kosovo (OTAN) ; « Eulex » (police et justice) au Kosovo (Union européenne). « Toute mission exige une capacité à durer et un lien fort entre action militaire et action médicale », souligne le médecin en chef Angot de l’Etat-major opérationnel santé. Le soutien sanitaire repose sur deux principes fondamentaux. D’abord, la médicalisation et la réanimation-chirurgicalisation de l’avant impliquent de porter au plus près des combattants le maximum de moyens mobiles, performants et adaptés aux conditions de l’engagement. Ensuite, les évacuations sanitaires précoces sont systématiques vers les hôpitaux de traitement définitif, de préférence par voie aérienne mais pas uniquement. La prise en charge des blessés s’effectue selon quatre niveaux ou « role » en anglais (voir illustration). La médicalisation de l’avant (niveau 1) correspond aux premiers secours et au conditionnement médical primaire au sein des unités de combat. Le triage médico-chirurgical et la réanimation-chirurgicalisation de l’avant (niveau 2) sont mis en œuvre au sein des forces. Le traitement des blessés sur le théâtre (niveau 3) précède les évacuations sanitaires tactiques. Les évacuations sanitaires stratégiques (niveau 4) concernent le traitement définitif sur le territoire national.

Intégration aux opérations. « Le Service de santé des armées fait partie de la communauté des opérations. Il n’y a pas d’opération sans le Service de santé », déclare le général de corps d’armée Castres, sous-chef d’état-major opérations de l’Etat-major des armées. La protection et la « survivabilité » des combattants sont devenues impératives. Le cadre global politico-militaire évolue, constate le général : la moindre inhibition du pouvoir politique à recourir à la force va de pair avec une plus grande inhibition des forces militaires à utiliser l’éventail complet des armes. La solidarité de l’opinion publique diminue au fur et à mesure des pertes au combat. La capacité de sûreté des troupes engagées, par la surveillance, la robotisation et le tir à distance, doit l’emporter sur celle de l’adversaire. Le maintien de la motivation du soldat repose sur la présence du SSA. Définir la durée devient un objectif politique et conduit à des opérations plus offensives sous court préavis. Les forces doivent donc chercher l’adversaire et ne plus le lâcher, avant qu’il ne disparaisse du champ de bataille. La « culture expéditionnaire » du SSA fait la différence pour mener à bien des opérations aussi diverses que celles d’Afghanistan, de Côte d’Ivoire, de Libye et du Mali. Aujourd’hui, le SSA va vers les blessés et non plus l’inverse. Compte tenu de l’agilité tactique des unités, les équipes médicales engagées au plus près doivent procéder à la mise en condition des blessés dans l’environnement nécessaire, selon une chaîne très robuste. Leur présence en amont au Mali a facilité la conduite des opérations. L’efficacité opérationnelle interarmées sur un théâtre dépend de la capacité du chef militaire à reconfigurer l’intervention au niveau de la section, des forces spéciales, du groupement d’hélicoptères et de la patrouille d’avions de chasse. Le SSA doit alors modifier son dispositif jusqu’à une équipe médicale par unité de combat, notamment les « modules de chirurgie vitale » auprès des forces spéciales, en général les plus touchées.

Agir vite et bien. Le médecin chef Planchet a vécu le tir fratricide dans le poste de combat avancé franco-afghan de Gwan, le 20 janvier 2012. A 9 h 27, un soldat de l’Armée nationale afghane tire à l’arme automatique sur 23 personnels en séance de sport : 4 sont décédés immédiatement et 14 blessés. Le docteur Planchet, dont l’infirmier accompagnateur a été blessé, rejoint la zone française 8 minutes plus tard avec 3 blessés pour demander du renfort, car le niveau de la menace n’est pas encore connu. Le plan « Mascal » pour les victimes nombreuses est déclenché. Chacun connaît son rôle et celui des autres pour agir au mieux le jour où il se passe quelque chose. A 9 h 37, le « PECC » (Centre de coordination d’évacuation des patients) alerte la chaîne médicale, qui achemine tous les blessés vers la zone française en 8 minutes. Un bilan rapide de la gravité des blessures détermine 8 évacuations prioritaires dites « Alpha » (dans les 90 minutes) et 6 dites « Bravo » (dans les 24 heures) par 7 rotations d’hélicoptères français et américains. En fait, le dernier blessé est évacué à 11 h 27, soit 2 heures après le tir. Grâce à des exercices fréquents, les sauveteurs de combat prodiguent, en toute autonomie, les bons soins à trois niveaux : soldat, infirmier et médecin. Ce dernier n’effectue que des gestes ponctuels, car il doit assurer la coordination de l’ensemble. Quelque 80 % des décès se produisent dans les 10 minutes après l’accrochage sur le champ de bataille, par suite d’hémorragies ou de lésions neurologiques ou respiratoires. Les décès tardifs, soit plusieurs jours après, sont dus à une défaillance multiviscérale ou des infections.

Evacuations aériennes. La voie aérienne militaire sous commandement opérationnel français est privilégiée pour les évacuations d’urgence, précise le capitaine Helleringer, convoyeur de l’air. Il y en a eu 97 en 2011, 74 en 2012 et 32 jusqu’au 21 juin 2013. Pour celles pouvant attendre plus de 24 heures, il est fait appel au Commandement du transport européen (EATC) qui compte 11 avions médicalisés (France, 5 ; Belgique, 2 ; Allemagne, 2 ; Pays-Bas, 2) : 487 en 2011, 476 en 2012 et 376 au 21 juin 2013. La voie aérienne civile suffit pour les blessés capables de voyager seuls : 226 en 2011, 165 en 2012 et 84 au 21 juin 2013. Enfin, le SSA pourra utiliser des avions tactiques A400 M en 2014 et des avions multi-rôles MRTT en 2016.

Loïc Salmon

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Au 1er mai 2013, le Service de santé des armées (SSA) compte 16.076 personnels (68 % de militaires), dont 1.825 médecins (plus 1.129 élèves et internes), 176 pharmaciens, 70 vétérinaires, 46 chirurgiens-dentistes, 4.718 personnels militaires paramédicaux et 3.344 réservistes. S’y ajoutent 55 centres médicaux des armées, 14 centres médicaux interarmées (outre-mer) et 9 hôpitaux d’instruction des armées. En juin 2013, le SSA déploie 1.120 personnels en posture opérationnelle : 470 dans les forces prépositionnées hors métropole, 460 en opérations et 190 dans le réservoir de forces en alerte.

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