Provence 1944

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Le 15 août 1944, les troupes alliées débarquent en Provence et parcourent 750 km vers le Nord pour réaliser la jonction, le 12 septembre, avec celles venues de Normandie (6 juin). L’armée française d’Afrique participe à cette opération dénommée « Dragoon ».

Décidé lors de la Conférence de Québec en août 1943 par Roosevelt et Churchill, ce projet est vite approuvé par Staline, qui y voit le moyen de soulager le front soviétique, et De Gaulle celui de démontrer la puissance retrouvée de la France, qui pourra ainsi siéger aux côtés des vainqueurs. Le plan définitif prévoit 600 bateaux de transport et 1.270 péniches de débarquement protégés par 250 bâtiments de guerre et 2.000 avions. La partie aéroportée implique 535 avions et 465 planeurs de transport de troupes. En face, malgré les ponctions au profit du front de Normandie, la Wehrmacht aligne 250.000 hommes, qui considèrent le Midi de la France comme un lieu de détente après les épreuves du front de l’Est. Jérôme Croyet, docteur en Histoire, relate avec force photos, documents et témoignages, cette épopée moins connue que celle du « Jour- J », mais autant mouvementée. Contrairement à celles de Normandie qui comptent beaucoup de jeunes recrues, les troupes du débarquement de Provence ont l’expérience du combat en Afrique du Nord (1942) et en Italie (1943). De l’hiver 1943 au 15 août 1944, les raids alliés déversent 12.500 t de bombes sur les lignes de communications, ports, usines et terrains d’aviation de Provence. A partir du printemps 1944 et avec l’aide de la Milice collaborationniste, les troupes allemandes pourchassent, le long de la vallée du Rhône, les maquis de la Résistance réfugiés dans les massifs des Glières et du Vercors. Ces maquisards, surtout des jeunes gens réfractaires au Service du travail obligatoire en Allemagne, ont rallié les Forces françaises de l’intérieur (FFI), regroupant notamment l’Armée secrète (gaulliste) et les francs-tireurs et partisans (communistes). Le 15 août, après un parachutage de 300 poupées utilisées comme leurres comme lors du « Jour-J », 5.607 parachutistes américains, anglais et français (1er Régiment de chasseurs parachutistes) sautent dans de mauvaises conditions météo, essuient les tirs antiaériens allemands et s’éparpillent au sol. Les maquisards les aideront à se regrouper. Le soir, 100.000 hommes ont pu débarquer entre Cavalaire et Saint-Raphaël. Malgré l’effet de surprise initial, ils livrent de durs combats contre la 19ème Armée allemande, qui se replie vers l’Est. Au cours de leur progression vers l’intérieur, les GI’s sont accueillis en libérateurs en raison de leur image de vainqueurs, contrairement aux soldats français qui incarnent la défaite de 1940, notamment les prisonniers de guerre. Cet enthousiasme suscite l’amertume des Français Libres : « On n’intéressait personne, les Amerlos, eux, vendaient cigarettes et chocolat ». De leur côté, les soldats allemands préfèrent se rendre aux unités régulières américaines, respectueuses du droit de la guerre, plutôt qu’aux FFI, dont ils redoutent la vengeance. Toutefois, grâce à l’aide des FFI (renseignement et harcèlement des troupes allemandes), les divisions américaines atteignent Grenoble en 7 jours au lieu de 90 comme initialement prévu. « Le débarquement en Provence est une réussite militaire, mais aussi publicitaire », conclut Jérôme Croyet. En effet, les cinéastes professionnels, intégrés dans les unités américaines, et les personnels de l’ECPA français captent l’instant pour alimenter les actualités ou les films de propagande.

Loïc Salmon

Femmes en guerre 1940-1946

« Provence 1944 » par Jérôme Croyet. Éditions Gaussen, 144 pages. 24,50 €

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